Samedi, 20 avril 2024
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Inerrance limitée des révélations privées (P. Ovila Melançon)

On ne peut considérer comme absolue l’inerrance des révélations privées.

Au contraire, dans des ensembles de révélations transmises par des saints même canonisés, on découvre ici et là des erreurs : ce qui ne doit pas surprendre, mais nous inviter à la prudence. Ici, il sera utile d’apporter quelques détails, afin de bien clarifier ce problème.

En effet, les voyants peuvent mêler l’activité humaine à l’action surnaturelle ; de plus, les interprétations peuvent être inexactes. Dieu ne donne parfois qu’une demi-intelligence des révélations, qui peuvent aussi être sujettes à des conditions sous-entendues. Il convient donc de se méfier parfois du sens littéral de tels messages. Pour revenir à Vassula Ryden, il faut se rappeler qu’elle passe souvent d’une langue à une autre, et les traductions peuvent parfois manquer de fidélité intégrale.

De plus, elle indiquait elle-même que Jésus a trois façons de lui dicter ses messages. Parfois, il dicte ses messages mot à mot ; d’autres fois, il lui communique une lumière intérieure qui fait comprendre des choses, qu’elle doit ensuite écrire ; parfois il dicte très vite tout un paragraphe, et elle doit ensuite se « débrouiller » pour le transcrire rapidement. Dans de telles conditions, on peut comprendre qu’il puisse se glisser parfois des termes impropres et même des erreurs.

Comme exemple de mauvaise interprétation, on peut citer le cas de sainte Jeanne d’Arc dans sa prison. Elle disait : « Le plus souvent les voix me disent que je serai délivrée par grande victoire. Et après elles me disent : Ne t’inquiète pas de ton martyre. »

Jeanne d’Arc ne voyait pas le sens véritable de ces prédictions. Elle croyait que le martyre signifiait « la grande peine et adversité qu’elle souffrait en prison », et la « délivrance par grande victoire » la faisait songer à tout autre chose qu’à son supplice, alors qu’il s’agissait de la promesse du Ciel.

Lorsque le but des révélations ou des visions est uniquement d’augmenter l’amour du voyant pour Dieu, le Christ, la Vierge Marie et les saints, aucun problème ne se pose. Mais si leur but est d’instruire le voyant ou d’autres personnes, alors il faut plus de prudence. Sur ce point, il convient d’élaborer davantage.

Lorsque les visions représentent des scènes historiques, comme par exemple celles de la vie ou de la mort de Notre-Seigneur, elles ne le font souvent que d’une manière approximative ; on se trompe en leur attribuant une exactitude absolue.

Cette erreur est compréhensible, car il semble que, dans les visions divines, tous les détails devraient traduire la réalité d’autrefois, pour le paysage, les costumes, les paroles, les gestes, etc. Plusieurs saints ont pensé en effet que l’événement s’était passé de la façon dont il s’est déroulé devant eux.

Cependant Dieu ne trompe pas, quand il modifie certains détails. S’il s’astreignait à une exactitude absolue, il s’abaisserait au rang de professeur d’histoire ou d’archéologie. On chercherait dans les visions la satisfaction d’une vaine curiosité d’érudit ; Dieu a un but plus noble, celui de développer la charité et de sanctifier les âmes.

On a des preuves positives de ces modifications partielles. En effet, quelques saints, en voyant Jésus en Croix, ont aperçu dans ce tableau qu’il n’y avait que trois clous ; d’autres en ont vu quatre.

Ainsi, par exemple, sainte Madeleine de Pazzi, la bienheureuse Varani, la bienheureuse Gerardesca de Pise, Catherine Emmerich, sainte Claire de Montefalco et sainte Véronique Giuliani ont vu trois clous, tandis que sainte Brigitte en a vu quatre. Dieu n’a donc pas voulu trancher par une révélation privée cette question controversée.

Il y a divergence semblable sur la forme de la croix, et sur le fait de savoir si elle a été dressée avant ou après le crucifiement. Certaines stigmatisées ont eu la plaie de l’épaule ; mais les unes à droite, les autres à gauche ; il en fut de même pour la plaie du côté.

Cependant cette réticence ne peut s’appliquer aux livres historiques de l’Ecriture Sainte. En effet, Dieu s’y est précisément proposé de nous indiquer certains faits d’histoire religieuse.

On peut signaler d’autres contradictions historiques dans des visions célèbres, dont l’ensemble pourtant paraît authentique.

Ainsi, Catherine Emmerich dit que la Sainte Vierge mourut treize ans après son Fils ; la sœur Gojoz donne le même nombre. Quant à Marie d’Agréda, elle indique vingt et un ans, quatre mois et dix-neuf jours ; sainte Brigitte, quinze ans ; sainte Elisabeth de Schoenau, un an et demi.

Quant à la résurrection de la Sainte Vierge, Marie d’Agréda dit qu’elle eut lieu trois jours après sa mort ; sainte Brigitte, quinze jour ; sainte Elisabeth de Schoenau, quarante jours ; la bienheureuse Bonomi, trois jours. Voilà d’ailleurs un problème très discuté parmi les théologiens, surtout depuis la promulgation du dogme de l’Assomption.

Il en est de même pour les visions du ciel, du purgatoire et de l’enfer ; Dieu ne fait voir qu’une part de la réalité, qui dépasserait trop notre intelligence. Il a recours à des symboles pour s’adapter à notre nature.

Les saints et les anges apparaissent avec des corps que pourtant ils n’ont pas ; ils sont revêtus de riches costumes, prennent part à des processions ou cérémonies. Tout cela doit être compris d’une façon spirituelle.

Une révélation privée est également suspecte, si elle a pour but de trancher une question disputée de théologie, d’astronomie, etc. Dieu laisse ces discussions à l’esprit humain, parce que nous n’en avons pas besoin pour nous sanctifier.

Il faut comprendre que la seule chose importante devant Dieu est le salut éternel des hommes. Pour le reste, saint Jean de la Croix dit que « l’intention de Dieu est que les hommes aient recours aux moyens humains ».

La révélation est encore douteuse, si elle est banale, se trouvant dans tous les livres de spiritualité, bien qu’elle soit très bonne au point de vue spirituel. Dieu n’emploierait pas de si grands moyens pour un résultat si minime.

Il est plutôt probable alors que le voyant répète, sans en prendre conscience, ce qu’il a appris dans ses lectures. Les révélations privées sont comme les miracles : elles n’ont pas lieu sans un motif très sérieux. Elles sont l’œuvre non seulement de la puissance de Dieu, mais aussi de sa sagesse.

Quelques auteurs considèrent aussi comme suspecte la connaissance surnaturelle des vices et péchés d’autrui, parce qu’on est exposé ainsi à manquer à la charité, à montrer du mépris ou de la répulsion pour certaines personnes. Toutefois, le jugement à porter dépend des circonstances.

On doit, en effet, attribuer cette connaissance soit à Dieu, soit au démon ; saint Jean de la Croix a écrit que « Dieu montre quelquefois aux saintes âmes les nécessités du prochain, pour les engager à y remédier et à fléchir le ciel en sa faveur ».

Cette utilité apparaît clairement chez les saints, assez nombreux, qui avaient la connaissance des secrets des cœurs. Ils aidaient ainsi les âmes à se réformer. Saint Joseph de Copertino, sainte Catherine de Sienne, sainte Madeleine de Pazzi jouissaient habituellement de ce charisme, au point que souvent on ne se hasardait pas à les approcher sans avoir d’abord purifié sa conscience. Par contre, souvent aussi cette connaissance des péchés d’autrui est une pure illusion de l’imagination.

La révélation peut encore pousser à une entreprise déterminée, comme établir une nouvelle dévotion, fonder une nouvelle congrégation religieuse, corriger le relâchement d’un certain groupe de personnes, bâtir un sanctuaire, créer une œuvre pour laquelle on n’a pas les ressources suffisantes. C’est surtout ici que la prudence et même la défiance sont nécessaires.

Dans ces cas, il faut examiner si l’œuvre est bonne en soi et conforme à l’esprit de l’Église ; utile, et d’une utilité qui justifie un moyen aussi exceptionnel qu’une révélation ; opportune, c’est-à-dire voir si elle répond à un besoin nouveau, ou si elle ne nuit pas à une œuvre analogue, qu’il serait préférable de soutenir.

En somme, l’affaire doit être examinée à la sage lumière de la raison, soumise à des personnes prudentes et compétentes. Le seul rôle de la révélation aura été de suggérer une idée ; elle est seulement l’occasion des décisions que l’on prend. En fait, l’Église n’a jamais procédé autrement pour instituer, par exemple, certaines fêtes ou dévotions ayant leur point de départ dans une révélation. La révélation elle-même demeure ainsi à l’état de pieuse croyance, n’ayant rien d’obligatoire. Ce qui en est sorti est utile aux âmes, et c’est ce que l’Église recherche.

Les révélations doivent aussi s’accorder pleinement avec les dogmes et les enseignements de l’Église, et avec les affirmations certaines de l’histoire et des sciences.

De même, la révélation ne doit être accompagnée d’aucune action contraire aux bonnes mœurs et à la décence. De plus, tous les détails qui accompagnent la vision : attitudes, gestes, paroles, etc., doivent être conformes à la dignité et au sérieux qui conviennent à la Majesté divine.

Quand les anges ou les saints se manifestent en prenant un corps apparent, jamais ce corps ne renferme de membres difformes ou d’aspect bestial. Ce serait indigne d’eux.

Les formes d’animaux ne se sont rencontrées que dans des cas très différents, c’est-à-dire les visions symboliques, comme celles des quatre animaux d’Ezéchiel et de saint Jean ; on en a donné d’ailleurs des explications allégoriques très rationnelles. Au contraire, quand le démon apparaît à ceux qui l’invoquent, il se plaît à prendre des formes repoussantes ; il mélange le type humain avec celui des animaux les plus vils.

Si les révélations ou visions sont nombreuses, cette circonstance, prise isolément, ne constitue pas un signe défavorable. En effet, on ne peut apporter a priori, pour l’opinion contraire, aucun argument solide. Autrement ce serait condamner une foule de saints, qui ont eu une abondance prodigieuse de révélations.

À ce sujet, on peut citer sainte Brigitte, sainte Gertrude, sainte Françoise Romaine, sainte Catherine de Sienne, sainte Marguerite-Marie, la vénérable Agnès de Langeac, la vénérable Marine d’Escobar, saint Ignace, etc. Plusieurs ont laissé des volumes considérables, où pourtant tout n’est pas consigné. Cependant un danger guette les personnes qui ont beaucoup de révélations, c’est celui de devenir négligentes à les bien discerner.

*Père Ovila Melançon (Congrégation de la Sainte-Croix)
« Jésus appelle Sa Messagère », F.-X. de GUIBERT, Paris 1994, pp. 24-30.
* Le Père Ovila a publié plus de cinquante ouvrages théologiques, dont beaucoup sont consacrés à des problèmes de discernement spirituel. Après avoir été professeur de philosophie, il collabore à de nombreuses revues religieuses et accompagne plusieurs groupes charismatiques.
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